Jared Martin – acteur (2072 : les mercenaires du futur, Aenigma)
Jared Martin naît à Manhattan en 1941. Il prend des cours de théâtre dès l’adolescence, poussé par des parents artistes. A l’université de Columbia, il se lie d’amitié avec Brian de Palma qui le dirigera dans Meurtre à la mode (1968). Après cela, Jared Martin apparaît dans diverses séries télé jusqu’à obtenir un rôle récurrent dans Dallas. Au milieu des années 80, il connaît une expérience en Europe avec, notamment, Aenigma et 2072 – les mercenaires du futur de Lucio Fulci. Après cela, il obtient le rôle principal dans la série La Guerre des mondes (1988-1990). Il s’est depuis lancé dans la réalisation et expose ses œuvres, mélanges de photo et de peinture.
Loin de renier sa carrière d’acteur, il a accepté de nous confier ses souvenirs avec Lucio Fulci. Sans langue de bois mais avec un profond respect.
Comment avez-vous obtenu le rôle de Drake dans 2072 : les mercenaires du futur ?
J’étais à Rome en train de faire un film américain intitulé The Lonely Lady. J’avais un agent italien (je vous donnerai son nom dès que je l’aurai retrouvé) et il m’a obtenu le rôle. Comme c’est souvent le cas en Europe, il n’y a pas eu d’auditions : les producteurs avaient déjà fait leur choix et il m’ont fait une proposition. J’ai tout de suite accepté car c’était le début de ma longue histoire d’amour avec Rome.
Lucio Fulci voulait que le film soit contre une nouvelle forme de fascisme. Vous a-t-il parlé de cela ou vous a-t-il juste parlé de votre personnage ?
Fulci s’occupait de l’organisation, des mouvements de caméra et de l’action; les mots (et les acteurs) devaient parler d’eux-mêmes, il y avait très peu de discussion sur la philosophie ou sur le sens profond des choses durant le tournage.
2072 : les mercenaires du futur a été tourné aux Elios Studios et à Cinecittà. Quelles scènes ont été tournées dans l’un ou l’autre studio ?
Je suis désolé, je ne m’en souviens pas très bien. Je crois que le combat à moto a été tourné aux alentours de Cinacitta, le camp des gladiateurs et la plupart des scènes d’intérieur ont été tournés à Elios.
Et la maison où la femme de Drake est tuée ?
Dans les environs de Rome, elle a été louée pour l’occasion.
Lucio Fulci avait du caractère. Sur le plateau, était-il indulgent avec les acteurs qu’il connaissait déjà tels que Al Cliver, Donald O’Brien or Howard Ross ?
Oui, il leur faisait confiance et était très à l’aise avec eux. Il savait qu’ils comprenaient exactement ce qu’il voulait et qu’ainsi il ne perdrait pas de temps. Et ils partageaient la même langue… Fulci et moi, non.
Comment était-ce de travailler avec Fred Williamson, connu comme figure de la blaxploitation ?
J’ai bien aimé travailler avec Fred. C’était un bon camarade, serviable, avisé, drôle, ironique, un vrai professionnel. Je ne ressentais quasiment pas d’égocentrisme ni de compétition entre nous. Après ça, il m’a voulu dans un des films qu’il allait produire mais ça ne s’est jamais fait.
Vous êtes-vous beaucoup entraîné pour les scènes de combats ?
J’avais une bonne condition physique à l’époque. Nous avons chorégraphié les scènes mais nous n’avons pas suivi d’entraînement particulier.
Vous souvenez-vous de la scène où vous et Fred Williamson maintenez Al Cliver pour le sauver ? Y avait-il un trucage ou le teniez-vous vous vraiment suspendu ?
Nous étions vraiment suspendus. Au moment de le soulever, ils ont arrêté de tourner et on nous a fait descendre pour nous reposer et puis on nous a fait remonter et le tournage a repris. Pour les gros plans, je me souviens que nous pouvions prendre appui sur un escabeau.
Les producteurs ont imposé les gratte-ciel pour les plans de Rome. Sont-ils intervenus durant le tournage ?
Pas à ma connaissance, non.
Savez-vous pourquoi Fulci vous a rappelé pour Aenigma ? Dr. Robert Anderson est un personnage assez différent de Drake.
Fulci et moi n’avons jamais été proches, nous étions totalement impliqués dans le tournage, et puis il y avait la langue. J’ai été surpris par la proposition pour Aenigma, mais j’appréciais de travailler en Europe et je n’étais jamais allé à Sarajevo alors, une fois de plus, j’ai accepté.
Vous avez connu Fulci avant sa maladie. Etait-il différent sur le tournage d’Aenigma ?
Il s’emportait moins, il avait moins d’énergie ; il surveillait son alimentation et probablement son comportement, et il semblait plus distant ou renfermé. Il avait quand même toujours ce caractère de cochon et quand il criait, il savait se faire entendre.
Vous souvenez-vous de ce qu’était véritablement l’endroit qui a servi de décor pour l’école ?
Je crois que c’était une partie d’une grande propriété qui était la résidence du Maréchal Tito quand il était à Sarajevo.
Lara m’a dit qu’elle n’avait pas apprécié de jouer la scène d’amour qui se transforme en cauchemar. Qu’en était-il pour vous ?
Pareil que Lara.
Pouvez-vous me dire pourquoi ? A cause de la nudité ?
Parce que, si je me souviens bien, la « chair » était en fait de la viande de hamburger avariée. Il faisait très chaud sur le plateau et il y régnait une grande confusion. On ne jouait pas vraiment, il n’y avait que des plans sur des détails et des effets spéciaux miniatures. Je me souviens que Lara et moi n’étions pas vraiment embarrassés mais nous nous ennuyions. Parfois, les films deviennent absurdes. C’était le cas cette fois-là.
Dans ce film, vous partagez également quelques scènes avec Ulli Reinthaler (Jenny Clark) et Mijlijana Zirojevic’ (Kathy). Quelles actrices étaient-elles sur le tournage, que ce soit avec vous ou avec Fulci ?
J’ai principalement travaillé avec Lara et Fulci, je n’ai eu que peu de scènes avec les autres acteurs. Les deux filles étaient agréables et professionnelles, mais ce plateau était comme Le Parlement des Oiseaux ou la Tour de Babel où, en fin de compte, les gens qui parlaient la même langue restaient entre eux.
Savez-vous ce qu’aurait donné Aenigma – The Return, une suite écrite dans les années 2010 ?
J’ai vu un scénario que Lara m’a fait parvenir il y a un an ou deux. L’histoire se focalisait sur une deuxième génération d’étudiantes qui se livraient à des orgies et recevaient la visite du fantôme du personnage que Lara jouait dans le premier film.
Quand vous pensez à Fulci aujourd’hui, quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit ?
De la gratitude pour m’avoir embarqué dans deux de ses films et pour toutes les aventures et les expériences que j’ai vécues sur ces deux tournages, les amitiés que j’ai nouées, les lieux que j’ai visités et même les photos que j’ai prises et qui m’ont finalement amené à une carrière dans les beaux-arts. J’ai le sentiment de n’avoir jamais vraiment connu l’homme. C’était un réalisateur de la vieille école, très méticuleux, un metteur en scène moraliste qui menait à bien ses idées visuelles et dramatiques en utilisant les humains comme des accessoires. C’était un homme passionné, un travailleur acharné qui avait un tempérament lunatique. C’était un perfectionniste et la réalisation n’est vraiment pas la bonne profession pour les perfectionnistes sauf quand on travaille dans l’animation ou quand on a un gros budget et des escadrons d’assistants qualifiés. C’était un artiste extrêmement talentueux sur le plan visuel, particulièrement dans ses premiers films. Il semblait fasciné par DePalma avec qui j’ai fait mes études, et par Lee Strasberg, avec qui j’avais étudié avant de venir en Italie mais nous n’avons jamais été plus proches que cela. Je le respectais, j’espère qu’il le savait mais on ne le saura jamais, n’est-ce pas ?
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