Lucio Fulci

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Entretien avec Lucio Fulci

  • Le 01 novembre 1980
  • Par Robert Schlockoff
  • Paru dans L'Ecran fantastique n°16
  • 1

Il y a de nombreuses années que vous œuvrez dans le cinéma ?

Oui, je fais des films depuis trente ans et le cinéma, c’est toute ma vie ; j’ai réalisé trente-trois films, mais j’en ai écrit le scénario de cent trente autres. J’ai d’abord suivi des études au Centre Expérimental du Cinéma à Rome – l’équivalent de votre IDHEC – avec des professeurs comme Antonioni et Visconti. A ce propos, lors de mon examen oral d’entrée au Centre, Visconti m’a demandé ce que je pensais de son film Obsession (1943), alors considéré comme un chef-d’œuvre et moi, jeune et inconscient, je lui  répondis en lui faisant remarquer tous les plans qu’il avait « volés » aux films de Renoir ! Les autres membres de la commission m’ont regardé comme si j’étais un monstre mais Visconti m’a dit : « Vous êtes la première personne à m’avoir dit la vérité ; vous êtes un bon cinéphile et avez beaucoup de courage – et il en faut pour être réalisateur ! » Et c’est ainsi qu’ils m’ont accepté !
Puis je fus assistant-réalisateur sur le film de L’Herbier Les Derniers Jours de Pompéi avant de me lancer dans la comédie avec Mario Monicelli et Steno. A cette époque je collaborais plus à des scénarios de films qu’à la mise en scène. D’ailleurs, à l’exception de L’Enfer des zombies, c’est moi qui suis à l’origine du scénario de tous mes films.

Vous préférez le scénario à la mise en scène ?

Pas vraiment, mais la mise en scène m’intéresse surtout sur le plan technique. Pour moi, les phases les plus importantes d’un film sont le scénario, le mixage, et le montage. J’ai un défaut terrible : je n’aime pas les stars !

Mario Bava avait la même réaction !

Absolument, et Hitchcock aussi, qui envoyait des petites notes à ses acteurs où se trouvaient  des indications. Paul Newman l’interrogea à ce sujet un jour, et Hitch lui répondit : « Cela m’évite ainsi de vous parler ! » En fait, j’aime travailler avec des acteurs, mais pas avec des stars ; des divas. Pour en revenir à Bava, ses films reposaient surtout sur l’aspect technique, les effets spéciaux et le suspense : il n’avait donc pas vraiment besoin d’acteurs. Mais Bava fut méprisé en Italie : lui et Freda furent ignorés et les critiques n’ont parlé de ce génie qu’était Bava qu’après sa mort. Parmi les grands acteurs avec lesquels j’ai travaillé, une exception cependant : le grand comédien Toto avec qui j’ai effectué vingt-deux films en tant que scénariste ou assistant–réalisateur. C’est également lui qui m’a aidé à réaliser mon premier film, I Ladri qui fut d’ailleurs un échec fulgurant ! A cette époque, je tournais beaucoup de comédies, également des films musicaux sur le rock and roll.

Connaissiez-vous alors le cinéma fantastique ?

Bien sûr, j’étais un grand admirateur de Tourneur et surtout de Roger Corman dont j’adore la série Poe. Puis, j’en ai eu assez de faire des comédies et refusai d’en faire à nouveau : je suis resté ainsi un an sans travailler et c’est alors qu’avec des amis on a produit un western qui, à mon avis, relève du fantastique : Le Temps du massacre. Un film intimiste, radicalement différent des westerns italiens de l’époque, mais avec beaucoup de violence. L’histoire de deux frères qui s’affrontent dans un climat irréel, ultra-violent. Franco Nero en était l’acteur principal ; il n’avait pas encore tourné Django.
En 1968, ce fut mon premier giallo : Perversion Story, où il y avait un certain côté irréel dans la description d’un San Francisco magique. Cependant le fantastique a surtout fait son apparition dans mes films avec Le Venin de la peur, qui débute comme un film fantastique ; mais se termine sous forme d’enquête policière.

Justement, pourquoi cette fin qui « dénature » l’esprit du film ?

Nous nous trouvions en face d’un problème : ce thème du film, c’est cette femme, Carole qui rêve d’un crime venant d’être commis ; elle se réveille et découvre que le crime a vraiment eu lieu. Deux solutions possibles : une fantastique et une policière, mais le producteur a tenu à ce que la fin du film soit logique. Cependant le film a eu beaucoup de succès en Italie.

Il y a des cauchemars étonnants, telle cette oie gigantesque qui poursuit Carole ou la scène des chauves-souris qui s’abattent en masse sur elle…

Nous avons eu certaines difficultés avec cette séquence dont Carlo Rambaldi a effectué les trucages. Rambaldi a construit des chauves-souris mécaniques glissant sur des fils et battant des ailes : par ailleurs, il a ajouté des superpositions d’ombres de chauves-souris. Je me souviens que Bava était très étonné de ce trucage, mais je lui dis : « Ecoute, Mario, tu aurais sans doute réalisé cette scène mille fois mieux que moi ! »

Il y a aussi ces chiens, le ventre ouvert, dans le laboratoire, une scène terrible !

Oui, Rambaldi a utilisé des chiens artificiels à l’intérieur desquels il a placé des poches spéciales qui, manipulées par derrière, donnent l’impression que le cœur et les tripes de ces bêtes remuent. Nous avons eu d’ailleurs à ce sujet une plainte, les gens ont cru qu’il s’agissait de vrais chiens, ce qui est impensable, j’adore les chiens ! Au procès, Rambaldi m’a heureusement sauvé de deux ans de prison en ayant retrouvé un des chiens synthétiques qu’il avait utilisé pour la séquence.

Une chose qui frappe beaucoup les gens, à la vision du Venin de la peur et de L’Emmurée vivante, c’est l’aspect technique absolument inouï de ces films !

J’ai toujours eu envie d’aller de l’avant, essayer des procédés nouveaux. Ce fut ainsi le cas avec La Longue nuit de l’exorcisme un film très particulier qui traite du problème de la sorcellerie de nos jours, dans un petit pays du Sud de l’Italie : des enfants sont tués et une « sorcière » est accusée de ces meurtres par un prêtre ; la scène la plus violente que j’aie tournée est d’ailleurs celle où cette pauvre femme est tuée à coups de chaînes par les paysans. Il s’avère que le prêtre est le coupable de ces crimes. Le film fit sensation en Italie et je décidai de continuer dans cette foulée et de réaliser un film totalement fantastique : L’Emmurée vivante.

Qui est étonnant et a dû présenter beaucoup de difficultés ?

Oui, c’est un film pour lequel j’ai beaucoup souffert sur le plan professionnel. Cela faisait un certain temps que j’avais écrit l’histoire avec mon scénariste Dardano Sacchetti, mais les producteurs, Luigi et Aurelio Di Laurentiis, m’ont ennuyé pendant un an. Un jour, ils voulaient faire un film policier, le lendemain une comédie, etc. J’ai résisté pendant un an, puis j’ai refusé : on m’avait fait perdre douze mois, et il m’était en outre impossible de travailler dans des conditions pareilles.
C’est alors que j’ai rencontré le producteur Fulvio Frizzi, le père de mon compositeur Fabio, et qu’on a engagé la merveilleuse actrice Jennifer O’Neill. Je suis reconnaissant à Fulvio Frizzi de sa volonté et de sa ténacité qui m’ont permis de mener enfin à bien ce film. Nous l’avons réalisé tel qu’il fut écrit au départ et L’Emmurée vivante a prouvé que j’avais raison, puisqu’il a beaucoup plu dans votre festival, et à des jeunes : le public auquel tous mes films sont destinés !

Le public a été sensible à ses nombreux effets.

J’avais essayé de nouvelles techniques dont la caméra tournante. C’est un film que j’aime beaucoup, mais qui est un peu difficile, car il s’agit de fantastique pur, un film centré sur une femme par rapport à des objets qui évoluent dans l’espace et dans leurs formes. Le montage fut très difficile, et nous avons eu besoin de deux script-girls en raison de toutes ces séquences où le rêve se mélange à la réalité, et où le passé et l’avenir se chevauchent continuellement.
Il est intéressant de noter par ailleurs qu’à cette époque, j’avais constitué une équipe de techniciens qui ne changerait plus par la suite : Dardano Sacchetti, Sergio Salvati, Fabio Frizzi, etc.

Là encore, une scène étonnante, lorsque la femme tombe du précipité et que l’on voit nettement son visage s’arracher sur les pierres !

Nous avons un peu repris la séquence finale où mourrait le prêtre de La Longue nuit de l’exorcisme : le trucage consistait à filmer avec une caméra couchée une actrice allongée sur une sore de rail. Puis, on faisait glisser l’actrice et la planche sur laquelle elle était installée vers la caméra et la pierre. Au moment où elle atteint la pierre, le visage de l’actrice est substitué en gros plan par une tête en plastique qui, au contact de la pierre éclate dans une explosion sans flammes. La séquence alterne donc des plans d’ensemble où l’on voit un mannequin tomber, des plans rapprochés de l’actrice sur le rail et des gros plans de la poupée.

L’Emmurée vivante fut un tournant dans votre carrière ?

Par rapport au fantastique, oui, mais sur le plan commercial, ce fut un échec et pendant les deux années qui ont suivi, j’en étais venu à réaliser des revues TV de music-hall ! C’est à ce moment qu’est venu me voir le producteur de L’Enfer des zombies Fabrizio De Angelis qui, enchanté par L’Emmurée vivante, était persuadé que personne d’autre que moi n’était mieux placé pour réaliser L’Enfer des zombies. J’étais très content car j’ai pu retrouver toute l’équipe de mes précédents films et le tournage s’est déroulé parfaitement.

Le scénario de L’Enfer des zombies n’était pas de vous ?

Non, mais je l’ai beaucoup modifié. J’ai voulu réaliser un film totalement fantastique et libre, au contraire de L’Emmurée vivante qui était un film reposant surtout sur un mécanisme demandant une certaine attention cérébrale. Ici, ce ne fut pas le cas : c’est un film de sensations, jouant sur la peur, et, bien sûr, l’horreur. Je suis à cet effet très content du travail magistral de Giannetto de Rossi, déjà responsable des maquillages du Living Dead At The Manchester Morgue de Jorge Grau, en particulier cette scène de l’œil qui a impressionné beaucoup de gens. Giannetto de Rossi n’a pas pu être présent pour le tournage de Frayeurs et c’est Franco Rufini qui le remplace, mais Giannetto sera de retour pourL’Au-delà.
Pour un film fantastique, il est très important d’avoir une équipe solide, mais aussi des collaborateurs ayant une parfaite connaissance de la technique, car il est très délicat de réaliser des effets spéciaux. Mais mes collaborateurs et moi nous entendons parfaitement et travaillons dans un climat de détente absolue. A la fin du tournage de L’Enfer des zombies, j’ai déclaré qu’on avait réalisé là un classique du cinéma d’épouvante sans nous en rendre compte et ce, en nous amusant d’une certaine manière, comme un groupe d’amis : je dis ça pour répondre à ceux qui pensent qu’un film ne peut être réussi que s’il est réalisé sous tension. Fabio de Angelis a beaucoup cru en L’Enfer des zombies et je suis très content de retravailler avec lui.

Que répondez-vous aux gens qui vous attaquent à propos de l’horreur dans vos films ?

L’horreur n’est pas un but pour moi ; ce qui m’intéresse surtout, c’est le fantastique : il n’y a que peu de scènes d’horreur dans Frayeurs et c’est surtout la tension qui est important dans ce film. Avec Frayeurs, j’ai en fait abandonné l’horreur pour l’horreur et ai voulu réaliser un film-cauchemar où l’horreur est présente, partout, même sous des formes semblant inoffensives. Il n’y a que deux scènes où l’horreur intervient d’une manière spectaculaire. Par ailleurs, l’une d’elles, celle où le jeune Bob subit une trépanation, est un cri que j’ai voulu lancer contre une certaine forme de fascisme, celle du père de cette fille qui tue Bob d’une manière abjecte parce que Bob est un être différent marginal : une victime effrayée qui ne comprend pas l’hostilité qui se déchaîne contre lui, comme la soi-disante « sorcière » de La Longue nuit de l’exorcisme. J’ai voulu montrer Bob comme un jeune un peu perdu, craintif, et que les filles couvent car il est gentil mais on ne m’a malheureusement pas permis de développer assez le côté réactionnaire de certains habitants de Dunwich. Frayeurs est pour moi, une représentation visuelle de l’aspect métaphysique des mauvais rêves : les horreurs que les cauchemars suscitent en nous.
J’ai tourné Frayeurs à Savannah, en Géorgie et j’ai complètement transformé cette ville pour en faire une cité cauchemardesque, irréelle, de sorte que les spectateurs sont incapables de citer une ville particulière. J’espère faire de même avec ma propre vision de la Nouvelle-Orléans dans L’Au-delà.

La musique du film est excellente, en particulier ce morceau étonnant et rythmé qui accompagne les morts-vivants…

Oui, la marche des zombies ? (sourires) J’ai été agréablement surpris d’entendre tout le public du Rex chanter le thème des zombis. C’est cette participation totale du public à ce type de films au festival qui est très importante et représente un facteur nouveau dans le cinéma : les rapports entre cinéaste et public évoluent et le film et les spectateurs se retrouvent ainsi sur le même plan, et je crois que c’est très intéressant sur un plan sociologique, car cela prouve que beaucoup de choses doivent changer dans le cinéma. Il faut ainsi supprimer les équivoques possibles entre le spectateur et le cinéaste.
Par ailleurs, pour en revenir à l’horreur dans mes films, ce n’est pas tant l’horreur que les gens applaudissent, car ils applaudissent après de telles séquences : beaucoup de gens parlent à tort de gratuité en ce qui concerne l’horreur et la censure parle d’incitation à la violence, ce que je nie totalement ! Le spectateur ne participe pas à la violence, mais en est au contraire déchargé, il est libéré des horreurs contenues en lui, et cela par le biais du film.

Il est à cet effet intéressant de noter qu’une des scènes les plus applaudies est celle où brûlent les zombies…

Oui, car le public est foncièrement contre le mal. Je pense que les films policiers avec Clint Eastwood sont beaucoup plus dangereux pour les jeunes. Mes films ne sont que des cauchemars à la fin desquels on se réveille, soulagé et détendu. Je crois que le cinéma fantastique est profondément libérateur, pour les jeunes en particulier, du fait de cette « participation populaire ». Dans Frayeurs, je me suis, en fait surtout intéressé à l’histoire bien plus qu’aux zombis qui n’interviennent qu’accessoirement.

Parlons un peu de certains effets spéciaux de Frayeurs, en particulier la pluie d’asticots…

Oui, ça nous a posé beaucoup de difficultés, car les acteurs avaient du mal à accepter qu’on leur colle des vers vivants sur le visage ! On a utilisé des milliers de vrais asticots et vers de farine, environ 10 hg !

Et la séquence où la fille vomit ses entrailles…

Eh bien, il nous a fallu utiliser des tripes d’un agneau fraîchement égorgé (car au bout de 10 minutes, les tripes se mettent à sécher et sont inutilisables) qu’on a vraiment fait ingurgiter à l’actrice et qu’elle a dû vomir ensuite. Horrible, n’est-ce pas ? Pour les gros plans où les entrailles sortent à toute vitesse il s’agissait bien sûr d’une poupée dont une pompe faisait évacuer les tripes.

Pouvez-vous nous parler un peu de L’Au-delà ?

Le thème est le suivant : un hôtel est construit sur une des sept portes de l’Enfer, il sépare ainsi le monde des vivants de celui des morts, mais un jour, les portes sont ouvertes pare erreur. Si vous voulez, l’hôtel est en quelque sorte un lieu de passage – mais important – entre l’Enfer et notre monde à nous représenté par une ville et en particulier un immense hôpital. L’Au-delà est une histoire mystérieuse où les morts sont au centre du film, mais ce ne sont pas des morts « agressifs » comme dans L’Enfer des zombies, ils font certaines choses, mais dépendent totalement de l’histoire elle-même dont le thème est très métaphysique, avec cependant certaines scènes d’horreur. Ceci dit, le film n’étant qu’à son début, il m’est un peu difficile d’en parler maintenant.
Je voulais reprendre Tisa Farrow, mais c’est une fille un peu bizarre : aux dernières nouvelles, elle était devenue chauffeur de taxi à Manhattan !

Une chose qui semble intéressante dans L’Au-delà, c’est votre vision personnelle de l’Au-delà et qui me fait penser à l’Enfer tel que vous le peignez dans la scène finale de Frayeurs

Oui, ces squelettes accrochés aux plafonds de la crypte ont une fonction autre que celle d’horrifier : cela représente une certaine fin et ces morts, souverains, car au-dessus de nos têtes, pourraient bien représenter l’Enfer dans ce lieu fantastique qui n’a rien à voir avec les cryptes traditionnelles. Mais dans L’Au-delà, je m’attaquerai à une élaboration encore plus métaphysique de l’Enfer.

Et la bande sonore fut très importante pour vous dans Frayeurs ?

Oui, et pas seulement la musique, mais aussi le son, les bruitages, ces cris d’oiseaux, etc. J’ai voulu créer un nouvel environnement sonore à travers ce film et à cet effet, j’ai participé de très très près au mixage. J’ai voulu expressément que le son du film soit très fort, car la bande son est elle-même cauchemardesque !

Et Le Chat noir ?

Je l’ai tourné assez rapidement pour faire plaisir à un ami producteur. C’est du fantastique, mais là encore avec un peu d’horreur. En fait, la nouvelle de Poe est très difficile à adapter au cinéma et je m’en suis un peu écarté. Je crois que ce film est surtout pour moi un hommage à ce maître de la littérature fantastique, peut-être également un hommage à Corman.
Je pense que le cinéma fantastique, et en particulier l’épouvante, est en train de renaître actuellement. Beaucoup de gens commencent à apprécier la valeur de ce cinéma. Et votre festival m’a appris quelque chose de nouveau, cette participation du spectateur avec le film, d’une manière aussi étroite. Cela prouve que non seulement le fantastique est un genre surtout destiné aux jeunes, ce dont je suis très content, mais aussi qu’avec une telle réaction, le cinéma populaire, qui est le cinéma par excellence, acquiert des lettres de noblesse : tous les spectateurs sont au même niveau et chacun réagit pareillement de quelque pays, origine sociale ou âge soit-il. De la sorte, le cinéma devient ainsi « international » et je crois qu’arriver à un tel résultat est le rêve de tout véritable cinéaste…

Texte reproduit avec l’aimable autorisation d’Alain Schlockoff

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